Réponse à nobody

Publié le par Le Déserteur

   Tu me dis « lis tes ratures ». Et c’est exactement ce que je fais, je lis mes ratures. Et j’avais jamais fait le rapprochement, les sonorités, les assonances, les jeux de mots tout ça j’ai jamais été très balèse à ce jeu là. Et puis j’ai trop lu de Houellebecq, "Prévert est un con" ce genre de truc. Alors ça aide pas. Enfin pas pour ça du moins.
   Lis tes ratures. Mais c’est exactement ça mec, tous les jours, je tente, j’y replonge, et je relis mes ratures, sur des sous-bocs, des papiers volants, des post-it, et ce fameux fumeux carnet qui est censé me rendre le fil des jours et qui ne me rend que l’amertume d’avoir perdu ces jours. D’avoir perdu séjour.
   Tu me dis : « des cris dénués de son ». Et je dis oui. Ça me rappelle Maurice Blanchot, ou Quignard aussi, qui disait en substance que la littérature, par sa présence, est absence, parce qu’elle est l’être sans le langage ou l’inverse je sais plus. Mais je suis pas sur d’avoir tout saisi. Je vais pas gloser. Tu me dis aussi : « la douleur ». Et je te réponds oui. « Où la douleur ne s’exprime plus que par l’écartèlement d’une mâchoire  trop habituée à concasser du noir ». Tu sais ce que je fais quand je cours ? Quand je tourne en rond autour du même point que je vois pas, autour du même point pendant une heure, à décharger des paquets de fièvres trop lourds, de souvenirs, de projection, autour du même point qui est jamais le présent, l’ici, le maintenant ? J’écarte les mâchoires en étirant les maxillaires au maximum ; de loin je dois ressembler au Cri de Rodin.
   Et puis tu me dis « les dents gâtées par les solutions provisoires », ceux que je sème partout autour de moi, sur des sous-bocs, papiers volants, post-it fumeux fumée tout est parti en échappée.  « Les mélanges approximatifs », ceux de lundi annulant mardi qui vient pas pour mercredi je sais pas y avait lundi mais j’ai pas fait. Alors faut le faire mais j’avais noté quoi là et puis là en le notant je pensais à quoi qu’est-ce que j’ai bien pu écrire bordel de merde je suis sur que c’est capital pour comprendre la suite. Je me parle de suite que j’en suis même pas au commencement. Ou plutôt si j’y suis, dans le perpétuel commencement, dans l’atroce empire, la trépidence de l’évidence d’une vie à faire pour chaque jour, faire de moi un journal – les gros titres ! - la vie réduite aux dimensions d’une journée, et ce putain de pays qui atteste de mon identité comme un monotone et régulier mensonge sur les cartes de géographie, aux frontières, au monde, dans l’histoire immodeste des gloires dont personne ne réchappe, même pas toi, surtout pas toi, la victime consentie, consentie. Au fait, c’est qui, toi ?
   Et tu me dis « impossible de croquer une pomme simplement ». Et je te réponds que si, ça quand même c’est vachement simple, réessaye.

   Pour finir j’ai un truc à te demander mon ou ma petite nobody . T’as mis les mots, et les mots justes. T’habites encore chez tes parents ?

Publié dans Saynètes

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