Quelle heure est-il?

Publié le par Le Déserteur

- Pardon, quelle heure est-il s’il vous plait ?

- Qu’est ce que j’en ai à foutre ?

- Rien, je demandais juste. Je…

- Bon, allons alors votre gueule. On en a quoi à foutre de l’heure qu’il est ? Vous croyez pas qu’on a d’autres questions à se poser dans la vie, des questions plus importantes ? Quel jour on est, par exemple, c’est déjà autre chose non ? Qu’est ce que vous comptez faire de vos prochaines 48 heures ? Etes-vous heureux NOM DE DIEU ? Ca, c’est de la question, là y a du tragique, du vrai.

- Certes, mais j’ai bus là et…

- Pareil, même topo, même emmerde. Le bus tout le monde s’en fout ; demandez-leur un peu à eux. Y s’en foutent. Là, vous voyez ce que je vous avais dit ? Y s’en foutent.

- J’ai un peu l’impression que tout le monde s’en fout avec vous. Je me trompe ?

- Non mais là aussi on s’en fout ! C’est pas une question votre truc. Y a rien qui puisse faire bander une statue ; y a pas de quoi soulever une émeute avec des interrogations pareilles. Demandez-moi autre chose. Je rêve, moi, d’un mec qui m’arrête dans la rue pour me demander pourquoi il y a autre chose plutôt que rien, si la nature peut servir de fondement à l’ordre social ; si l’homme heureux doit renoncer au bonheur. Voyez ?

- Z’êtes quoi au juste dans la vie ?

- Mais merde, quand comprendrez-vous ? Pensez, chier !

- Bien qu’abruti non pensant, il me semble que les prémisses de ma rationalité empirique m’amènent à constater la manifestation émotionnelle d’un pessimisme réactif typique des profs de philo. Si je poursuis mon investigation, je dirais que vous enseignez au lycée (en banlieue), ex gauchiste en proie au désenchantement du monde et au déclin des idéologies, lassé de l’ordre libéral et du règne du spectacle marchandise, et que, forcé d’admettre le vice de votre propre système de pensée fondé sur un matérialisme que vous combattez par ailleurs, vous aspirez à des exigences hautement culturelles que vous tentez vainement de transmettre à vos étudiants, et qui, bien que désaliénantes en principe, restent néanmoins largement socialement distinctives. Et vous entrevoyez l’échec de toute une vie. Par conséquent, vous développez une réaction épidermique fasse au normal. En un mot, vous devenez réactionnaire.

- C’est tout ce que vous aviez à me demander ?

- Oui.

- Bon, il est 17H43.

Publié dans Saynètes

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L
Un réactionnaire réagit. Et il n'a pas besoin d'être de droite pour le faire. Il suffit qu'il en ait assez qu'on lui dise quoi penser, quand le penser et même s'il a le droit de le penser. Ou qu'on lui dise quoi faire, quoi aimer, quelle équipe de foot soutenir, quoi manger, où aller etc.<br /> Exemple: les phrases du genre "Ce qu'il FAUT retenir de l'actualité..." me foutent en rogne.<br /> J'ai toujours plaisir à te lire<br /> Salut.
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A
BIEN....
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